Remerciements : cet exposé n'aurait rien été sans le travail d'Henri Blocher. En fait vous avez ici un résumé des passages les plus marquants du livre d'Henri Blocher "Le mal et la croix", aux éditions Sator, collection Alliance, 1990, 200 pages. Ouvrage que je recommande chaleureusement tant il est riche.

 


 

Si Dieu existe, pourquoi le mal existe-t-il ?

1. INTRODUCTION

    "Tandis que le mal les tourmente en leur chair, le  problème du mal  torture l'esprit des hommes. "Problème" au sens premier du terme, c'est-à-dire obstacle en travers, qui bouche la vue, il résiste aux efforts inlassablement recommencés pour comprendre. L'intelligence bute et s'irrite, ou se décourage, ou bien encore cherche des faux-fuyants. C'est toujours vrai en notre temps." 

    Ainsi débute l'ouvrage d'Henri Blocher, "Le mal et la croix", ouvrage excellent sur le sujet qui nous préoccupe et sur lequel mon exposé sera basé.

    La question de l'existence du mal est LA question existentielle par excellence. Pas un philosophe qui ne s'y soit attaqué, pas un homme qui ne la ressente vivement dans son quotidien. Tous nous y revenons et les croyants encore plus souvent et avec plus d'intensité que les autres. Le croyant est en effet très sensibilisé aux manifestations du mal dans sa vie. En plus, il est confronté à ce que le dramaturge allemand Georg Büchner a appelé "le rocher de l'athéisme", cette réflexion douloureuse : "S'il y avait un Dieu, de telles choses ne pourraient pas se produire !".

    Face à cette épineuse question, tous ont tenté des réponses. Afin d'évaluer la pertinence de la réponse biblique, il est donc bon de nous pencher sur les réponses proposées par les autres courants de pensée. Ces solutions sont-elles des résolutions du problème ou bien finalement ne sont-elles que des mirages, créant l'illusion de la solution par escamotages des données dures ou par simplisme dans l'argumentation ?

 

2. DÉFINITION & QUESTIONS

    Avant d'envisager les solutions proposées, il nous faut savoir "à quoi" nous voulons apporter une solution. Si nous nommons tous le mal, il est bon de savoir ce que nous plaçons sous ce terme. En tentant de résumer l'expérience commune du mal que nous avons, nous pouvons dire que le mal est "quelque chose" qui se produit mais qui ne devrait pas être; il a pris place mais ce n'est pas normal. Spontanément nous nous y opposons, nous lui disons "non!". Le phénomène "mal" pourrait donc être défini comme l'injustifiable réalité qui provoque l'indignation. Il suscite chez nous la peur, la révolte, le dégoût, l'acceptation difficile; il est aussi l'objet du remords, de la confession et du pardon. Ainsi nous pouvons distinguer le mal subi qui entraîne l'indignation et le mal commis qui provoque la honte.

    En ressentant le mal, en le rencontrant, nous réalisons que le mal est "quelque chose" qui se produit; il n'est pas simplement rien; on ne l'éprouve que trop. C'est la positivité du mal. Mais il tend à détruire, il représente un manque à l'égard de ce qui devrait être, il est carence par rapport à des normes, implicites ou explicites. C'est la négativité du mal. Réalité injustifiable !

    Trois questions surgissent alors dans notre entendement. La première est celle de l'origine, cause ou raison du mal. Pourquoi ? D'où vient le mal ? Cette question naît de l'indignation, du choc de la confrontation. Immédiatement surgit alors la question: Qu'est-ce que le mal ? C'est la première question en droit. Pourtant la question la plus existentielle me semble être Le mal jusques à quand. C'est le cri du prophète Habaquq : "Jusques à quand, Seigneur, appellerais-je au secours sans que tu écoutes, te crierai-je : Violence! Sans que tu sauves ? Pourquoi me fais-tu voir le mal et regardes-tu l'oppresseur ? (Habaquq 1. 2-3a). Cette question de la victoire sur le mal est existentielle et religieuse et me semble donc, in fine, principale : pour une humanité souffrante à cause du mal subi et honteuse à cause du mal commis, c'est la question qui compte.

 

3. LES TROIS SOLUTIONS DE LA RAISON HUMAINE

    Face à la question du mal, il était impossible que l'esprit humain reste sans réactions. Confronté sans cesse au mal subi, tenaillé dans son être par le mal commis, l'homme ne peut pas oublier cette question. Il faut qu'il apaise son esprit.

    Ainsi, depuis toujours, l'homme a bâti des solutions. Très souvent, il s'est même aveuglé lui-même, se cachant, volontairement ou inconsciemment, tout ce que ces solutions ont d'insatisfaisant, de supercherie. Ainsi des affirmations de surface, simplistes et ne résolvant rien ont été proposées. D'autres noyaient la difficulté dans l'élaboration d'un système complexe, sous des subtilités complexes, masquant ainsi l'échec de leur entreprise.

    Dans le champ de la pensée humaine refusant la Révélation biblique, on peut sans trop caricaturer ni simplifier rassembler les solutions proposées en trois grands groupes : optimisme, dualisme, pessimisme.

 

a) Les optimistes

    Présentation de la position

    Cette école peut se revendiquer d'un soutien populaire important. Ne dit-on pas : "C'est un sage" de celui qui accueille les maux "avec philosophie" comme s'ils n'en étaient pas ? Ne conseille-t-on pas au malheureux de "se faire une raison" ? Nos expressions courantes en disent long : elles laissent entendre que la construction d'un système rationnel qui englobera le mal dépouillera celui-ci de son caractère mauvais. Pour qui pense assez large, voit assez loin nous dit l'optimiste, le mal n'existe plus.

    Pour l'optimiste, on peut donc dire que le mal n'existe pas. Seule la perception que nous avons des choses existe et nous pouvons changer cette perception. Ce déni de la réalité du mal prend une forme extrême dans la religion des Védas, nourricière de la pensée indienne et dans son étrange rejeton américain, la "Science chrétienne". Pour les Védas, toutes les différences sont irréelles, y compris et surtout la différence entre le bien et le mal. Le dernier secret, le seul finalement, est tat tvam asi, "tu es cela", c'est-à-dire : "Tu es identique à l'Absolu". Cela veut dire que la diversité du monde, des êtres, n'est qu'un effet d'optique, une illusion, un artifice trompeur : c'est maya. La différence du bien et du mal s'abolit avec toutes les autres.

    Spinoza (1632-1677) ne se distancie que peu d'une telle position. Pour lui, le bon et le mauvais ne sont pas dans les choses considérées du moins en elles-mêmes : ils sont relatifs à nos modes de penser, selon que nous faisons des comparaisons. Spinoza, en moderne, introduit donc l'activité du sujet pensant, mais il s'en sert pour réduire la réalité du mal.

    On rencontre encore des versions mitigées de l'optimisme chez les stoïciens, école de pensée qui dominait le monde grec à l'époque du Nouveau Testament. Pour eux une raison cosmique régit l'univers et son expression est saluée dans tout ce qui arrive. Ainsi le sage doit-il accepter le mal comme étant un segment bon et bienfaisant de la chaîne universelle. Epictète sera ainsi capable de sourire sereinement quand son maître lui casse la jambe et Plotin chantera l'harmonie où le mal trouve sa place.

 

    Analyse et réaction

    Il apparaît comme évident que l'optimiste ne respecte pas le sentiment spontané du mal. Il le réprime même ouvertement, jugeant ce sentiment naïf. Ne prend-il pas ainsi ses désirs pour la réalité ? L'optimiste ne fait qu'escamoter l'insoutenable question du mal. Surtout quand la dénégation est totale, l'optimisme ressent à l'anesthésie que produit une douleur trop forte : l'organisme n'étant pas capable de la supporter, "s'arrange" pour ne pas la ressentir. On a ainsi vu des hommes continuer à marcher, en donnant l'impression de ne pas réaliser ce qui venait de se passer, alors que leur bras venait d'être arraché. L'optimiste est celui-là.

    De ce fait, cette vision n'est pas satisfaisante. Elle évacue le côté révoltant du mal. Nous n'avons plus à nous révolter mais à accepter ou à changer notre perception des choses. Ainsi le mal du mal est éliminer. C'est cette philosophie qui a conduit à la situation d'indifférence généralisée vis-à-vis de la pauvreté et des injustices connues en Inde. Cette manière de résoudre la question du mal insulte la douleur des victimes et fait bénéficier les criminels de beaucoup trop d'indulgence. L'optimiste ne peut pas vraiment s'indigner contre le mal puisqu'il faut le comprendre et l'accepter. Et comprendre, c'est déjà pardonner. Il me semble donc inacceptable de vouloir résorber l'opposition du bien et du mal dans l'unité comme veulent le faire tous les optimistes. C'est ce à quoi se refusent catégoriquement les dualistes.

 

b) Les dualistes

Présentation de la position

Les dualistes radicalisent l'opposition bien/mal et la consolident métaphysiquement. La présence du mal s'explique par la qualité d'ingrédient premier de l'être. La réalité est constituée, puis régie, comme aux deux pôles, par les deux principes du Bien et du Mal. De toute éternité, c'est entre ces deux principes la guerre, une guerre qui ne finira jamais mais qui, après tout, fait marcher le monde, comme l'opposition des pôles + et - permet le courant électrique.

Le dualiste pur est rare. Le Mazdéisme, marqué par Zoroastre, en est le plus prestigieux représentant. Le Mazdéisme espère la victoire finale du bien mais c'est là une inconséquence évidente si les deux principes sont également premiers. Une version grossière de ce dualisme sera produite par Mani (215 -277) sous le nom de Manichéisme. Les principes du mal et du bien y sont corporels et le monde résulte de l'emprisonnement temporaire dans les ténèbres mauvaises d'une partie de la lumière. Le Manichéisme a eut un succès étonnant, avec un rejeton dans la doctrine cathare.

Le plus fréquent reste cependant des formes mixtes où le dualisme se mêle à l'optimisme. Les optimistes introduise en effet régulièrement un dualisme modéré dans leur réflexion. Plotin, optimiste, reprend ainsi la notion de matière mauvaise dans laquelle les âmes sont prisonnières. Il ne faisait ainsi que reprendre une idée présente chez Platon déjà.

 

Analyse et réaction

Le dualisme, c'est son attrait premier, semble aiguiser le sentiment spontané du mal. Si on y regarde bien, on réalise qu'il dévoie plutôt le message de l'expérience. Tout d'abord il ignore les aspects de vide, de carence, du mal et de corruption d'une bonté préalable. En fait, il opère un détournement de l'indignation, il évapore la honte.

    Le mal, pour le dualisme, est l'un des piliers de l'ordre de l'être: on ne s'indignera donc plus du mal, mais de l'être; donc finalement on ne s'indignera plus du tout car qu'y a-t-il de plus sot et de plus vain que de s'indigner de l'être ? Et comment alors avoir honte ? L'opposition bien / mal est transférée à la métaphysique, ce qui la dénature et la fait entrer dans le normal. Berkouwer, théologien d'Amsterdam, a raison lorsqu'il dit : "Le dualisme n'est qu'une excuse universelle habillée de métaphysique". La notion de responsabilité est en effet complètement évacuée : sommes-nous responsables si un des deux piliers fondamentaux de notre être est le mal ? De plus, en intégrant ainsi le mal dans le système, on arrive à le justifier, à rendre son existence nécessaire. Pour que le système continue, pour qu'il puisse fonctionner, le mal est nécessaire. A partir de là, comment s'indigner contre l'existence du mal ? Si le mal est un principe premier au même titre que le bien, qui peut nous en vouloir de choisir l'un plutôt que l'autre ? Comment aussi espérer une disparition du mal ? Dans un tel système, la disparition du mal entraîne la disparition de l'être puisque le mal est un principe premier. Le dualisme ne fait donc finalement que nous excuser à bon marché et nous enfermer dans une prison où le mal nécessaire sera toujours là.

 

c) Les pessimistes

    Présentation de la position

    Les pessimistes, eux, généralise le mal. Tout le réel, dans son fond, est mauvais. Il ne faut pas chercher plus loin en se leurrant l'explication du malheur. Écoutez la mélopée lugubre du Bouddha, dans son fameux sermon de Bénarès : "La naissance est douleur, la vieillesse est douleur, la maladie est douleur, la séparation d'avec ce que nous aimons est douleur, ne pas obtenir ce que nous désirons est douleur..." Tâchons de dénouer tout attachement, et de rejoindre l'ultime réalité, le Vide.

    Les pessimistes sont plus nombreux qu'on ne l'imagine. Cette option se propose à nous comme philosophie de l'absurde, selon Camus, et comme athéisme conséquent chez Sartre. Admirable autant qu'il est vain, le courage de Sisyphe ne saurait avoir aucun sens dans un monde qui n'en a pas, qui n'est rien qu'obscur et pénible désordre. "L'Être et le Néant" ne paraît envisager que l'échec pour cette "passion inutile" qu'est l'homme.

 

    Analyse et réaction

    Le pessimisme renchérit sur le sentiment spontané du mal; on suppose qu'il en prend ainsi la pleine réalité. C'est faux. Il est significatif que le Vide bouddhique ressemble comme un frère à l'Absolu des Védas; l'extrême pessimisme coïncide avec l'extrême optimisme, comme l'extrême droite coïncide, en politique, avec l'extrême gauche dans leurs manifestations dictatoriales. Il faut bien se rappeler que le Bouddha voulait purifier la vieille religion indienne, jamais la contredire. Plus on étudie le Bouddhisme en profondeur, plus on a de mal à dire s'il n'est pas réellement orthodoxe.

    Du coup on devine que le pessimisme, paradoxalement, n'est pas éloigné de la négation du mal. Le pessimisme abandonne la perception humaine du mal. Il oublie que le mal est second : désordre, défection et perversion d'une norme précédemment posée, violation et corruption d'une justice préalable. En faisant du mal le tout, le pessimisme coupe le nerf de la protestation. Elle est rendue vaine. Cette solution ignore donc le bien, premier, à partir duquel nous sentons le mal. De plus, s'il n'y a aucun ordre, si tout est chaos, alors il n'y a pas de désordre non plus, l'existence du mal est évacuée.

 

d) Conclusion

    Il est inutile de continuer dans l'analyse des solutions non-chrétiennes. Le témoignage biblique ne les ratifie pas. Il maintient la différence entre Dieu et sa création qu'il juge et exclut ainsi les systèmes optimistes, panthéistes ou enclins au panthéisme; il affirme l'unité d'origine et résiste à la tentation de faire du diable un second dieu; il confesse un Dieu bon, celui-là même que nie le pessimisme. Si nous plaidons que les trois propositions ne rendent pas justice à l'expérience humaine du mal, l'argument décisif pour nous les faire écarter reste le témoignage de la Révélation car elle a su s'imposer à nous avec l'Autorité de la Vérité même.

 

4. CE QUE DIT L'ÉCRITURE SUR LE PROBLÈME DU MAL

    Ayant ainsi montré la non-validité des trois grandes familles des réponses humaines au mal, il nous faut nous pencher sur ce qu'en dit la Bible et essayer d'organiser ce donné afin de comprendre ce qui peut être compris. C'est avec beaucoup d'humilité que ce travail doit être fait, en étant conscients que nous sommes et restons des hommes. Rationnels, certes, mais limités dans notre entendement et notre compréhension des choses.

 

a) Définition

    Si nous devions tenter une définition biblique du mal, nous pourrions résumer à l'extrême en disant que le mal est péché. Ainsi, à partir de 1 Jean 3.4, qui nous dit "Le péché est la transgression de la loi de Dieu", nous pouvons proposer la définition suivante. Le mal ou péché est non-conformité à la loi de Dieu.

    Non : exprime le caractère privatif du mal. Le mal n'existe pas par lui-même, il n'est pas une substance, il ne peut se définir que comme privation d'un bien.

    Conformité : cette privation, elle se manifeste à l'égard de l'exigence la plus étendue, la plus parfaite.

    La loi : ce n'est pas à nous qu'il appartient de déterminer cette conformité. Nous avons besoin de la loi de Dieu pour pouvoir juger de tout le mal du mal.

    De Dieu : le péché ou mal est offense à Dieu, rejet de sa divinité et de son autorité.

 

b) Le mal du mal

    L'Écriture dénonce ainsi sans relâche la réalité et la nocivité du mal : le mal est mauvais totalement, radicalement, absolument. C'est même cette insistance qui exaspère souvent les non-chrétiens "bien-pensants". Dès la troisième page de la Bible et jusqu'à la dernière, on dirait voir un abcès sous la loupe et l'éclairage du chirurgien. Les auteurs bibliques ne font ainsi qu'obéirent à l'exhortation de l'apôtre : "Ayez le mal en horreur" (Romains 12.9).

    Rien ne marque plus fort le caractère mauvais du mal que la colère de Dieu contre lui. L'Écriture réprouve et déplore le péché, même quand Dieu a su renverser la situation. C'est toujours la victoire de Dieu sur le mal qui est célébrée. Même lorsque Dieu semble utilise le mal pour arriver à ses propres fins, c'est la victoire de Dieu sur le mal qui est proclamée. Quand le mal, hélas ! est déjà présent, si Dieu se sert de cette réalité ennemie comme d'une occasion d'agir, et même comme d'un moyen de punir et d'avertir, le fait n'atténue en rien la malignité du mal et n'insinue d'aucune façon l'idée d'un Dieu complice. En revanche, si Dieu avait permis "le" mal pour l'usage qu'il allait en faire, le mal, contrepartie du bien, s'expliquerait et s'excuserait, au moins pour une part; au lieu de l'avoir en horreur, nous devrions comprendre que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles... L'Écriture, si nous lisons bien, ne prend jamais ce dernier chemin; elle affirme que Dieu, dont l'habileté transcende infiniment l'habileté "diabolique" des adversaires, sait faire jouer le mal contre le mal et retourne pour sa gloire les stratagèmes de l'ennemi; mais toujours une fois le mal introduit, au titre de riposte.

 

c) La souveraineté universelle de Dieu

    Ce développement sur le mal du mal, le caractère absolument mauvais du mal, nous conduit à la deuxième grande affirmation biblique qui concerne notre sujet : si le mal est absolument mal, Dieu est absolument, totalement, radicalement souverain.

 

    1- Dieu souverain

    Les grands textes preuve de l'Écriture ne laissent pas d'échappatoire : "Notre Dieu est au ciel et il fait ce qu'il veut" (Ps.115.3). Pour l'homme de la Bible, Dieu est le Seigneur suprême qui régit toutes choses. Cela est si fort que dans l'Ancien Testament, a-t-on dit, "Dieu pleut" remplace "il pleut". La confiance comme la prière n'ont d'ailleurs que ce fondement de la souveraineté de Dieu. L'Écriture souligne que Dieu s'occupe de tout, même des détails.

    Ainsi l'exercice de la souveraineté de Dieu inclut les causes secondes. Dieu fait jouer des lois, des constantes, des propriétés et capacités stables. Si Dieu utilise les lois de la nature, c'est aussi lui qui les a créées et donc déterminée. En tant que créateur, il a même la souveraineté de pouvoir les arrêter pour un temps.

 

    2- La liberté humaine

    Cette souveraineté de Dieu inclut aussi les décisions des êtres libres. A vrai dire, si l'on exceptait les faits de cette catégorie, que resterait-il à Dieu, de l'histoire, à gouverner ? La Bible nous enseigne que Dieu incline comme il veut le cœur, l'organe de la liberté, le cœur même du roi, homme libre entre tous : c'est comme l'eau dans la main qu'on fait couler à son gré d'un côté ou de l'autre (Proverbes 21.1). Le Nouveau Testament confirme que Dieu donne la repentance et la foi qu'il ordonne : "C'est Dieu qui opère en vous le vouloir et l'opération, comme il lui agrée" (Philippiens 2.13). Paul peut même aller jusqu'à friser la brutalité en écrivant : "Ainsi donc cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde" (Romains 9.16). Parole dure à plusieurs; douce et savoureuse à d'autres...

    Les objections dans ce domaine naissent d'a priori, tenus pour évidences. Dans l'orbite du grand malentendu anthropomorphique, de l'oubli de la relation unique au Créateur - "Dieu est tout autre qu'un autre" disait l'abbé J.Monchanin - on préjuge que la liberté s'étrangle et la responsabilité s'évanouit si Dieu, infailliblement, détermine. Or, la conviction subjective et collective que remporte ce préjugé ne peut remplacer la sanction de l'Écriture. Nulle part la Bible n'endosse cette prétendue "évidence" du sens commun. Nos décisions sont libres, d'une liberté créationnelle; nous en sommes responsables; Dieu ne nous traite pas en marionnettes. Les appels et les reproches, les promesses et les menaces, dont regorge l'Écriture, s'expliquent parfaitement par là. Mais de l'idée de l'indétermination du vouloir comme implication nécessaire, nulle trace, nulle part. Nous devons donc dire que le pouvoir de pécher impliquant l'indétermination n'appartient pas à la liberté dans son intégrité première; il n'est pas essentiel. Le vouloir humain ne peut sortir de la dépendance à l'égard du Seigneur. Il est un fait que nous ne dominons pas intellectuellement l'opération de Règne qui nous fait libres sous la détermination de Dieu. Nous ne démontons pas le mystère du "comment", mais nous recevons sans rechigner de l'Écriture la révélation de la souveraineté de Dieu sur nos choix les plus intimes, sur notre cœur.

 

    Ce paragraphe étant complexe, je me permets de le résumer par quelques phrases clef.

    - Le fait que la créature soi faillible n'entraîne pas que le mal est en elle sinon Dieu ne proclamerait pas que la création est bonne.

    - Dieu détermine tout, il n'y a pas dans la Bible de séparation entre ce qu'il déterminerait et ce qu'il ne déterminerait pas.

    - Ce serait imposer une loi à Dieu si on l'obligeait à ne pas déterminer sa créature pour qu'elle soit libre. Or les seules lois qu'on peut imposer à Dieu sont celles qui découle de sa nature : Dieu ne peut pas se nier. Celle-ci n'en fait pas partie.

    - En faisant de la liberté humaine l'origine du mal, on va vers la justification du mal. Dieu a pris "un bon risque". Jamais la Bible ne prend cette direction.

    - Dieu est absolu, nous ne pouvons donc qu'être absolument dépendant de lui, la dépendance relative n'existe pas vis-à-vis de Dieu.

    - La détermination divine et la liberté humaine ne sont pas concurrentes même si nous ne comprenons pas  "comment" cela fonctionne.

 

3- Tout

    L'Écriture va donc tout englober sous la souveraineté divine, même les maux, les fléaux et les fautes. A vrai dire, si l'on exceptait les faits de cette catégorie, que resterait-il de nouveau à Dieu à gouverner ? Pour le mal du malheur cela est évident, du Déluge à l'Apocalypse.

    Moins évidente et moins admise, l'attribution de mal moral aux décisions divines se rencontre plusieurs fois. En tout cas, Dieu "endurcit qui il veut" nous dit Paul (Romains 9.18). Les fils d'Eli repoussent l'admonestation "car l'Éternel avait décidé de les faire mourir" (1 Samuel 2.25). Notons bien ici qu'au sein du Décret de Dieu, le mal, s'il est voulu d'une certaine façon, n'est pas voulu comme le bien. Dieu veut le bien directement, simplement, pour lui-même; il ne veut le mal que d'une autre façon, en le haïssant simultanément. C'est un vouloir souverain certes, mais permissif, qui s'y rapporte. La causalité divine à l'égard du bien est efficiente (Dieu agit effectivement, toute grâce et don parfait descendant du Père des lumières). Elle est déficiente à l'égard du mal (Dieu se contente de ne pas agir, comme s'il faisait défaut; il n'a pas produit le vouloir et le faire du bien). Alors que Dieu opère lui-même le bien en le faisant opérer, le mal est toujours le fait d'une créature, exclusivement.

    Même le diable n'échappe pas à la souveraineté de Dieu. Il n'est "le dieu de ce siècle" (2 Corinthiens 4.4) que parce que les incrédules cèdent à son influence comme ils ne devraient céder qu'à Dieu, ils lui font jouer le rôle divin. Il n'a pas les pouvoirs d'un anti-dieu, il ne se soustrait pas à l'autorité du Seigneur. Il ne peut rien sans sa permission, comme le dévoile le prologue de Job. Selon le mot de Luther, il reste "le diable de Dieu". Remonter de la liberté de l'homme à la liberté de l'ange pour expliquer le mal ne résout donc rien : le problème subsiste, et redouble en se posant au "cran" supérieur. Pourquoi Dieu a-t-il permis le choix abominable, catastrophique pour l'univers, de son serviteur céleste ? Pourquoi l'a-t-il laissé tenter l'homme et la femme, et ne les a-t-il pas empêchés de succomber ? La chute de Satan, avant celle de l'humanité, nous aide à comprendre certaines modalités du péché humain, sa face de faiblesse et d'indolence particulièrement; l'ampleur cosmique du phénomène mauvais se laisse mieux pressentir. Mais Dieu restant souverain sur tous les acteurs du drame, l'énigme du surgissement premier n'est pas dissipée.

    L'assurance de l'absolue souveraineté de Dieu contribuait à la "crainte de l'Éternel" chez les prophètes et les apôtres, elle qui manque tant aux hommes, aux chrétiens, de notre temps. Elle nourrissait l'humble confiance, elle versait le baume de la consolation. "Tu me piles, Seigneur, disait Calvin dans les tortures de la maladie, mais il me suffit de savoir que c'est de ta main". Seule l'absolue souveraineté de Dieu peut apaiser, au-delà du pardon, l'angoisse d'avoir causé des torts irréversibles : cela même est dans la main de Dieu. Il nous décharge ainsi du souci insupportable d'être l'instance dernière (Voir Genèse 45.8). Il est le Premier et le Dernier. Il Règne.

 

d) La bonté parfaite de Dieu

    Après le mal du mal qui rejette tous les optimismes, la souveraineté absolue de Dieu qui rejette tous les dualismes, la troisième grande affirmation biblique est la bonté totale, absolue et radicale de Dieu qui rejette tous les pessimismes. Dieu est bon totalement, radicalement, absolument. C'est le grand a priori biblique contre le mythe de la méchanceté en Dieu. Le témoignage à la parfaite bonté de Dieu est constant dans l'Écriture; la louange s'en délecte et ne s'en lasse pas. Même Habaquq le reconnaîtra : l'Éternel qui envoie les Chaldéens féroces a "les yeux trop purs pour voir le mal" : il n'en supporte même pas la vue sans que ne bouillonne son indignation (Habaquq 1.12 et suivants). Jacques souligne que Dieu ne tente personne et n'est pas tenté (Jacques 1.13), Jean condamne massivement la spéculation de certains sur la présence de ténèbres en Dieu (1 Jean 1.5). On ne saurait être plus net.

    S'il fallait encore une preuve, la définition biblique du mal nous la donne. Le mal est non-conformité à la volonté de Dieu. Le mal, c'est l'hostilité contre Dieu. Or le Dieu biblique n'est pas divisé contre lui-même. Il n'a aucune part au mal, et le mal n'a aucune part avec lui.

 

e) L'écharde dans la raison

    Le mal du mal, la seigneurie du Seigneur, la bonté de Dieu : trois thèses inébranlables, qui forment le "T" de l'enseignement biblique ! La souveraineté divine faisant le tronc, la dénonciation du mal et la louange du Dieu bon les deux branches... mais la difficulté est de les faire tenir ensemble ! Allons-nous résoudre cela d'un coup de baguette magique alors que bien des penseurs dans l'histoire y ont échoué, durcissant une des affirmations pour en rejeter une autre ?

    Tout d'abord, nous maintiendrons que ces trois affirmations ne sont pas formellement contradictoires. Si l'on accorde les distinction sur les modes du vouloir divin que l'Écriture encourage elle-même, nul ne peut prouver d'incompatibilité stricte. Il faudrait pour cela valider ce postulat : un Dieu bon et souverain ne peut décréter permissivement que la créature choisira contre lui. Bien des gens prennent, sans critique préalable, cette proposition comme une évidence. Elle n'en est pas une, et se heurte au témoignage biblique. Extrapolation naïve de règles qui valent sans doute pour la conduite des hommes, elle serait bien plutôt la chose à démontrer. Mais avec quels moyens, quels critères ? Comment l'homme, le pécheur, statuerait-il sans ridicule sur ce que peut ou ne peut pas le Seigneur ? Écoutez rire Pascal... "Seul Dieu parle bien de Dieu". L'Homo qui se décore du titre de sapiens sapiens a fait avaler ces temps derniers à sa raison trop de couleuvres et de vipères pour ne pas se tenir coi.

    Nous ne triomphons pas pour autant. C'est de justesse, avouons-le, que nous échappons à la contradiction. Le lancinant problème subsiste. Les distinctions nécessaires, légitimes, ne le résolvent pas, mais reviennent à le poser en d'autres termes. Comment ces volontés s'unissent-elles en Dieu ? Comment Dieu veut-il et ne veut-il pas en même temps l'endurcissement du pécheur et sa mort ? Comment concilier la bonté parfaite de Dieu, son amour pour sa créature, sa haine du mal, avec le fait qu'il n'opère pas en tous le vouloir et le faire du bien ? Que signifie permettre souverainement ? L'écharde de ces questions s'enfonce dans la raison, même la raison renouvelée du croyant; à s'agripper au "t" de la doctrine, son esprit se sent distendre, soufre l'écartèlement.

    L'Écriture nous enseigne que nous ne trouverons pas, du moins en cette vie, la solution rationnelle tant recherchée. Elle ne nous la donne pas. Elle va plus loin encore : elle braque elle-même le projecteur sur la difficulté, et nous invite à une autre démarche. C'est du moins l'une des intentions du livre de Job. La sagesse des amis de Job vole en éclats sous la réprobation divine. La fonction authentique de la souffrance de Job, condition d'un témoignage qui glorifie le Seigneur, ne répond pas à la question dernière sur la première permission : c'est une fois le mal entré dans le monde que Dieu s'en sert comme il l'a fait dans ce cas; mais il serait odieux qu'il en ait permis l'origine à cette fin. C'est pourquoi Job ne saura rien des scènes célestes, c'est pourquoi le discours théophanique, couronnement du livre, n'en dira rien. Dans la Théophanie, pas de solution rationnelle, mais une Présence souveraine, humiliante et, comme telle, apaisante, guérissante. Habaquq pose le problème de la théodicée (si Dieu est Dieu pourquoi le mal ?) : on trouve dans sa "doléance" les trois convictions scripturaires. Il frémit d'abord de l'horreur du mal; il apprend et confesse que Dieu détermine les actes des Chaldéens; il n'ignore pas, pourtant, que les yeux de Dieu sont trop purs pour tolérer le mal. Que lui apporte la réponse longuement guettée ? Lui non plus ne reçoit connaissance ni du "pourquoi" ni du "comment" de la permission du mal : Dieu l'appelle, en son temps de ténèbres, à vivre par la foi (Habaquq 2.4). Et l'apôtre, qui n'ignore pas, bien sûr, les protestations de l'homme ("ce n'est pas juste, l'homme n'est pas responsable si Dieu détermine tout" -Romains 9.14à 19), ne répond pas non plus au "pourquoi" et au "comment". Il remet à sa place la créature d'argile, comme s'il disait : "Tu ne peux pas comprendre"; il glorifie la maîtrise du souverain potier.

    Nous devons donc conclure qu'il n'y a pas pour les pèlerins que nous sommes de solution rationnelle au problème du mal, au problème théorique de l'origine du mal.

5. LE MAL ET LA CROIX

 

a) Faiblesse ?

    La douleur de l'intelligence chrétienne aux prises avec le problème du mal semble d'abord signe de faiblesse. Ne fait-elle pas l'aveu de son incapacité à résoudre la principale objection, à entamer le "roc de l'athéisme" ? A la méditation, les choses apparaissent autrement.

    Si le consentement à l'incompréhensible nous tirait d'affaire chaque fois que nous nous enfermons, il y aurait lieu de soupçonner le procédé irresponsable, la démission de la raison. "Le mystère a bon dos". Trop souvent, en effet, on confond le mystère et l'absurde, ce que jamais ne fait l'Écriture. Mais nous plaidons que le mystère du mal est l'unique mystère opaque, unique comme le mal lui-même. Loin d'être absurde, il répond exactement à l'expérience du mal, avec ces deux facettes : injustifiable - réalité. Inscrit au Décret de Dieu, le mal a une réalité certaine; contraire à son précepte et son désir, il est injustifiable. Nous l'avons dit, il n'implique pas la contradiction. Tous les autres mystères qui nous dépassent, celui de la Trinité, de l'union des natures dans le Christ, de la liberté créée, sont des mystères de lumière : l'intelligence, si elle les absorbe bibliquement, s'y ébat avec délices. Seule l'énigme "opaque" du mal lui fait mal.

    Si les solutions qu'on propose, rivales de la réponse de la Bible, étaient capables de satisfaire l'esprit de l'homme, elles détiendraient une supériorité indubitable. Mais n'est-ce pas l'inverse que nous avons montré sur un échantillonnage respectable ? Sous le nom de "solutions", l'analyse décèle autant de tentatives pour escamoter l'une des données du problème, pour nier le mal, pour "oublier" l'appréhension première, et plus véridique, que chacun a de la réalité du mal, dans l'indignation et la honte. L'Écriture seule n'escamote rien et garde l'appréhension première entière. N'y a-t-il pas dans cette "chasteté", un miracle ? L'Écriture est la seul à ne donner réellement aucune excuse au coupable; serait-ce vraisemblable si elle ne venait que des hommes?

    La réflexion va plus loi. Le sens du mal demande, exige, requiert, le Dieu biblique. En effet, on supprime la protestation contre la souffrance si on supprime Dieu. L'objection élevée contre Dieu, à qui la dire sinon à ce Dieu ? Sans le Dieu souverain et bon, la plainte est inane, le mal ne peut être nommé. John Lennon, le Beatle assassiné, l'avait-il compris ? "God is a concept - By which we measure  our pain", chantait-il (Dieu est un concept par lequel nous mesurons notre douleur). Arriverait-on à la preuve de Dieu par le sentiment du mal ?

    Nous ne comprenons pas le pourquoi du mal. Mais nous pouvons comprendre que nous ne pouvons pas comprendre. La raison est faite pour les continuités de l'œuvre de Dieu, elle tisse l'harmonie; comprendre, c'est unir. Une solution rationnelle du problème du mal signifierait nécessairement une intégration du mal dans l'harmonie issue de Dieu ! De même, remonter du péché à sa "possibilité réelle", auparavant, c'est lui appliquer la logique de la continuité qui prévaut dans le jeu de la création. Mais le mal est le scandale, la discontinuité, le désordre, l'étrangeté, innommable en termes de création (sauf de façon négative) ! Chercher son explication causale, sa raison ontologique, son pourquoi, équivaut à chercher à le réconcilier avec le reste, à le justifier; le reste est en effet ce qui est juste. Comprendre le mal serait comprendre que le mal n'est pas mauvais (tout comprendre, c'est tout excuser).

 

b) La Croix

    Il n'y a pas à comprendre le mal, mais à le combattre. L'absence de solution au problème théorique du surgissement du mal est "l'envers" dont "l'endroit" est plus précieux même que la juste dénonciation : la solution du problème pratique de la suppression du mal. Ce qu'on croit perdre au plan spéculatif, on le gagne au plan existentiel. La fin du mal n'est-elle pas, pour nous, aujourd'hui, plus intéressante que son origine ? Les "jusques à quand" ne sont-ils pas plus lourds que les "pourquoi" ? Seul l'assemblage des trois thèses, le "T" de la doctrine biblique, assure la victoire. Si, sous le mal, se déguisait un bien, pourquoi voudrait-on le faire disparaître ? Si Dieu n'était pas souverain, comment maîtriserait-il ce qui ne dépendrait pas de lui ? Si Dieu cachait en lui-même des ténèbres, comment ne seraient-elles pas éternelles, elles aussi ? Mais le solide fondement de Dieu reste debout. Quand les espoirs écervelés volent et se perdent comme la balle dans le vent, le fondement de l'espérance se révèle, la souveraineté du Dieu qui combat le mal, et nous invite à le combattre avec lui.

    Dieu combat le mal, et le vaincra. Dieu l'a combattu et l'a vaincu sur un autre "T", celui de la croix. A la lumière de la Croix, comment douter des vérités enseignées ? La réalité abominable du péché s'y démontre : comme haine des ricanements des criminels; comme haïssable dans le poids de culpabilité que seul pouvait enlever le sacrifice de l'Agneau de Dieu. Quand je vois mon Seigneur souffrir pour moi, c'est un sentiment de honte qui me saisit, d'indignation contre le mal, contre moi. La souveraineté entière du Seigneur se démontre également à la Croix : tout cela est arrivé "selon le conseil arrêté et la prescience de Dieu" (Actes 2.23), car il fallait que les Écritures s'accomplissent, elles qui attestaient quel destin le Seigneur avait assigné au Serviteur. S'il est un scandale révoltant, c'est bien la trahison de Judas, et comme l'infâme réconciliation d'Hérode et de Pilate, elle accomplissait "tout ce que la main et le conseil de Dieu avaient déterminé d'avance" (Actes 4.28). D'aucun événement il n'est attesté si abondamment que Dieu l'a "voulu". La bonté sans mélange de Dieu se démontre aussi à la Croix. A la Croix, qui oserait le blasphème d'imaginer la moindre complaisance de Dieu pour le mal ? Alors qu'en la personne du Fils, il en meurt ! La sainteté se révèle. L'amour se révèle, pur amour; il n'y a pas de plus grand amour. À cause de la Croix, nous louerons sa bonté, la bonté de sa justice, la bonté de sa grâce éternellement. A la Croix, Dieu a détourné le ml contre le mal et réalisé la solution pratique du problème. Il a expié les péchés, vaincu la mort, triomphé du diable. Il a fondé l'espérance. Avons-nous besoin d'une autre démonstration?

 

c) L'obscurité illuminée

    Le mystère opaque du mal rencontre le mystère paradoxal de la Croix. Le mystère du Golgotha est celui des ténèbres devenues lumière, selon le mot du psalmiste, pour Dieu et pour nous : pour nous par Dieu (Psaume 139.11 et suivants)Nous comprenons que nous ne pouvons pas comprendre, et même un peu plus. A la Croix il se vérifie que Dieu domine le mal, l'embrasse dans son plan, se sert des méchants, sans donner prise au soupçon de complicité. Mentionner l'hypothèse pour l'écarter nous gêne déjà, comme si nous frisions le blasphème ! A la Croix il se confirme que le mal ne s'attache pas métaphysiquement à la condition humaine : à catastrophe historique, Dieu riposte historiquement. A la Croix se révèle comment advient le Royaume de Dieu : non pas par la puissance des armes, non par la force des moyens charnels, mais par l'Esprit du sacrifice (Sacherie 4.6); non par l'asservissement des multitudes, à la manière des grands d'ici-bas, mais par le service du Fils de l'homme (Matthieu 20.25-28); un Royaume qui n'est pas de ce monde (Jean 19.36). LA voie du Royaume requiert qu'il s'étende fort discrètement, par rayonnement spirituel. Il conquiert les cœurs, par leur adhésion sans contrainte à la Parole, à son annonce, à son appel. D'où le sursis pour le vieux monde, d'où la permission du mal continué, d'où la marge laissée au diable qui enrage, conscient du temps mesuré qui lui reste (Apocalypse 12.12). D'où l'association du Royaume avec la tribulation, et la patience, en Jésus (Apocalypse 1.9).

 

    Soyons donc patients, luttant contre le mal en reconnaissant ainsi qu'il est mal et qu'il existe; confiant en Dieu pour manifester la victoire car il est souverain et bon : il l'a démontré à la Croix.

 

Philippe Laurent.              pfrlaurent@hotmail.com

 

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